Le chiffre 1.
Comme il est beau...
Comme les commencements, les tentatives, et les balbutiements...
Le chiffre 1, c'est une fenêtre ouverte sur l'univers des possibles...
L'impression première. Celle qui trompe rarement. Celle qui s'inscrit. Celle qui reviendra au fil du temps, pour se superposer à l'impression présente. Qu'elle soit parfois inexacte ou imparfaite, cette première impression, importe peu. Les impressions qui se succèdent se superposent et s'ajustent, comme les nuances s'additionnent, du noir au blanc, pour former la gamme des gris.
L'impression première, on la garde et on la chérit, parce qu'elle contient les prémisses d'une rencontre, ou, comme aurait dit Bogart, "the beginning of a long friendship".
La première impression, littéralement. L'impression de la première page, ou plus précisément du premier cahier, comme disent les imprimeurs. Huit pages sur une feuille, dont on imprimera le dos plus tard, pour obtenir un cahier de seize pages. Le bruit de l'imprimerie, la poussière aussi, et cette machine phénoménale et monstrueuse qui crache des feuilles comme un dragon cracherait du feu.
Je n'avais plus les pieds sur terre, c'est normal, je me sentais dans un navire. J'ai eu souvent cette image, cette impression d'être montée à bord d'un paquebot, et de me retrouver là, dans la salle des machines, dans le bruit et la fureur de faire, là où se trouvent ceux qui font avancer le navire. Chaque matin, je me suis rendue à l'imprimerie comme à une fête, je me suis isolée du monde dans une bulle chaleureuse où j'ai découvert, encore, observé, appris, j'aime ces univers de spécialistes qui ont leurs us, coutumes, techniques... Dans cette bulle j'ai vu naître un livre, page après page, image après image, avec un bonheur constant. Cependant rien n'a jamais égalé la joie du premier instant. L'instant premier, numero uno.
Il n'y a pas de mots, je crois, pour décrire le temps arrêté : le premier regard sur la première impression du premier cahier d'un premier livre... Je me souviens avoir pensé "alors, c'est réel, ce livre va exister", c'était doux comme un songe.
Un cahier. j'ai aimé ce terme d'écolier, d'ailleurs à force de me pencher sur Nicolas Le Riche, à force de scruter la profondeur des noirs, à force de saisir ces cahiers à pleines mains, j'avais les doigts tâchés d'encre, et je souriais comme une enfant heureuse.
C'était le 4 août 2008.
La première fois que j'ai photographié Nicolas, c'était en janvier 2003. Je ne suis plus sûre du jour, je dirais le 3. Oui, le 3 janvier 2003.
Le livre a été installé sur les tables des libraires le 2 octobre 2008.
4,3,2.
1 ?
(Anne Deniau)
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